Bâmiyân.

La Vallée des Immortels

Cover Image for La Vallée des Immortels
Antoine Stevenson
Antoine Stevenson

La vallée enserrée sous la masse des montagnes paraissait retirée du monde, inaccessible je m’étonnais qu’il puisse encore exister de tels lieux. Le rempart glacé du Karakoram qui enveloppait la vallée était saisissant, se détachant sur le ciel gris du nord, d'un aspect sinistre, les pics des montagnes, majestueuses et distantes, dégageaient un éclat réfrigérant.

Ce décor fantastique de vertes vallées séduisit nombre des soldats d’Alexandre le Grand qui s’installèrent ici en plein cœur de l’Himalaya.

À mesure que le soleil déclinait, le ciel se teintait de nuances roses et orangées, la chaîne de montagne entière semblait maintenant beaucoup plus proche, pâlit d'une froide splendeur, la pleine lune se leva, éclairant les sommets l’un après l'autre, puis l'horizon étincela contre le ciel qui tournait au bleu-noir. Suspendue à plus de deux mille mètres, enclavée parmi les plus hauts sommets du monde, la vallée était un véritable jardin d'Éden, nourri par l'eau des glaciers.

Dans les cultures en terrasse, des abricotiers en fleur embaumaient l'air de leurs parfums délicats. Malgré l’altitude, les récoltes y étaient abondantes, grâce à une terre irriguée par des canaux prenant leur source dans les glaciers descendant des pentes vertigineuses de Rakaposhi. Beaucoup voyait dans cette vallée un repaire d’immortels dont les habitants auraient trouvé dans l’eau des glaciers et dans les abricots secs, le secret de la jeunesse éternelle.

Ce décor fantastique de vertes vallées séduisit nombre des soldats d’Alexandre le Grand qui s’installèrent ici en plein cœur de l’Himalaya. Teintée d'influences ismaéliennes, bouddhiques et gandhara, la vallée était cet écrin de paix qui se démarquait par son atmosphère paisible et ses habitants accueillants. La Hunza, peuplée majoritairement d'ismaéliens, un courant chiite de l’islam, révélait un visage différent du Pakistan souvent associé au fondamentalisme religieux.

Le chef spirituel des ismaéliens, l’Aga Khan, était révéré par la population. L’imam Karim Hussaini, quarante-neuvième Aga Khan, contribuait au développement de la vallée en encourageant les jeunes à poursuivre des études et en finançant la construction de ponts et de routes. Le pont Hussaini, suspendu au-dessus de la rivière Hunza, faisait partie de la route du Karakoram, reliant la vallée à la Chine via le col de Mintaka. Cette route, empruntée par les caravanes depuis Kashgar au temps de la route de la soie, avait vu les moines chinois y diffuser le bouddhisme. Elle menait ensuite à travers la vallée de la Hunza jusqu'à Gulmit, enclavée derrière les montagnes.