Bâmiyân.

Ouldarai

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Antoine Stevenson
Antoine Stevenson

En franchissant le seuil de la yourte, je rencontrai Ouldarai, un homme qui correspondait exactement à l'image que je m'étais faite de lui : robuste, vêtu d'un épais manteau en fourrure. À droite de son bureau, son armure et son casque étaient fièrement suspendus au mur, comme des trophés.

Exilé aux confins du Tadjikistan, Ouldarai nourrissait un désir ardent de vengeance contre les talibans.

Absorbé par ces artefacts de guerre, je fus tiré de ma contemplation lorsque Ouldarai, se leva de sa chaise pour nous accueillir : «Daler, quelle surprise », s'exclama Ouldarai. Puis se tournant vers moi, il ajouta, « – Mon général, je me suis permis d'amener jusqu'à vous Lobsang, fils de l'Aga Khan. »

Ouldarai se tourna vers moi et me fixa intensément. À mon tour, je fis mes salutations au général et le remerciai. « – Général, je sais que la situation est difficile pour tout le monde, » ajoutai-je après une pause. « – Je suis venu vous transmettre un message. Par mon intermédiaire, je m'engage à ce que la fondation Aga Khan vous fournisse des armes et des soldats. »

Exilé aux confins du Tadjikistan, Ouldarai nourrissait un désir ardent de vengeance contre les talibans. Il attendait patiemment son heure pour reconquérir le Panshir et libérer l'ensemble de l'Afghanistan des mains des extrémistes religieux. C'est dans ce contexte que la proposition de Lobsang se présenta comme une aubaine inespérée, offrant à Ouldarai l'opportunité qu'il attendait. Conscient des fonds colossaux détenus par la fondation Aga Khan, il envisagea sérieusement le plan proposé : « – Nous pouvons lever une armée ici. Les habitants du Tadjikistan et des pays voisins, aguerris aux rudesses du climat, seront probablement disposés à se joindre à nous pour chasser les talibans, à condition qu’ils soient rémunérés correctement. »

La précarité avait pris racine dans toute la vallée de Ferghana, où l'oisiveté servait de terreau fertile à l'alcoolisme, rongeant de nombreuses familles. Dans ce contexte difficile, l'appel à rejoindre la légion Sogdienne représentait un moyen pour les familles de subvenir à leurs besoins, offrant ainsi une lueur d'espoir. Cette initiative promettait non seulement de mobiliser en grand nombre des soldats motivés, mais aussi de revigorer l'ensemble des troupes. Galvanisé par cette perspective, Ouldarai exprima son approbation « – Si vous nous fournissez les ressources nécessaires, nous attaquerons Kunduz, puis reprendrons Pol-e-Khamri avant de rejoindre Bamiyan. Si la chance est de notre côté, notre prochaine cible sera la capitale, puis le reste du pays. »

« – Je salue votre engagement Oudarai, vous pourrez compter sur le soutien de la fondation. Nous avons déjà commencé à entreposer des armes dans d'anciennes bases militaires au Tadjikistan, nous pourrions les rendre disponibles très rapidement. Nous rémunérerons vos soldats en soum ouzbek,en espérant que cela vous convienne. »

« – Vous pouvez compter sur moi, Lobsang. Dès demain, je réunirai les chefs de l'alliance du nord pour leur présenter votre proposition. »

Nous convenions de nous retrouver dans une semaine, le temps pour Ouldarai d'organiser des rencontres avec les chefs locaux. En attendant, nous restons avec Choegya dans une petite auberge des environs de Kalay-Khodzha. Cette pause nous offrit un moment de répit et de réflexion. Lorsque nous retrouvâmes Ouldarai, je sus qu'il avait réussi son pari. Dans un rare élan d'unité, les chefs de guerre tadjiks, ouzbeks, kirghizes, et wakhis du Panshir, ainsi que de tout le Ferghana, décidèrent d'unir leurs forces pour reprendre l'Afghanistan et venir en aide aux Hazaras assiégés.