Bâmiyân.

La grande conversion

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Antoine Stevenson
Antoine Stevenson

Sans tarder, Spendiar servit du thé dans l'une des tasses et me la tendit. « – Pendant votre absence, une vague de mysticisme a envahi la vallée, » me confia Spendiar, tout en entourant délicatement sa tasse de ses mains et inspirant les effluves qui s'en dégageaient, puis il continua son récit : « – Namgar une fois revenu de sa retraite dans les grottes s’était mis en tête de diffuser son message au plus grand nombre. »

Au début, seuls quelques curieux venaient écouter ses paroles, mais l'éloquence et la ferveur de Namgar commencèrent bientôt à rassembler un public de plus en plus nombreux.

Je scrutais Spendiar qui, visiblement mal à l'aise à l'idée de me relater les faits, cherchait à éviter de d’apparaître comme un délateur. Néanmoins, il continua : « – Tous les lundis, Namgar prenait position sur le promontoire du quartier des généraux, prêt à s'adresser à la foule. Au début, seuls quelques curieux venaient écouter ses paroles, mais l'éloquence et la ferveur de Namgar commencèrent bientôt à rassembler un public de plus en plus nombreux. »

« – Qu'entends-tu exactement par nombreux ? » demandai-je à Spendiar. « – Lundi dernier, ils étaient presque un millier, je dois avouer que c'était assez spectaculaire. Namgar, du haut du promontoire, récitait des mantras qui se propageaient dans toute la vallée, amplifiés par l'écho. Chacun était invité à les répéter après lui, transformant la cérémonie en une immense prière collective. »

Les mots de Namgar semblaient flotter au-dessus de l'assemblée, qui, comme sous un sortilège, les reprenait à l'unisson. À la fin de la cérémonie, nombreux étaient ceux désireux d'embrasser la voie du bouddhisme. Faute de temple à Bamiyan, un groupe de fidèles prit l'initiative de construire une grande pagode au sud de la ville. « – Une pagode ? Et Sharam, le gouverneur, qu'en pensait-il ? » interrogeais-je. À cela, Spendiar laissa échapper un sourire amusé.

« – Personne ne lui a demandé son avis. » En vérité même Namgar fut surpris de l’expression d’une telle ferveur, il décida toutefois de s’impliquer dans la réalisation du chantier et commença à en superviser les moindres détails.

La pagode fut rapidement baptisée Pagode Sakyamuni. À son achèvement, elle était destinée à devenir la plus haute et la plus majestueuse pagode bouddhiste de toute l'Asie centrale. Spendiar reposa sa tasse et se racla la gorge, puis proposa : « – Si cela vous tente, nous pourrions aller y jeter un œil. Il ne devrait pas y avoir foule sur le chantier à cette heure. »

Je déclinais l'offre pour aujourd'hui, promettant toutefois d'y faire un tour dès que possible. Spendiar ajouta : « – C'est vraiment impressionnant, les ouvriers ont accroché au sommet du mât de la pagode une multitude de guirlandes qui descendent jusqu'à la base du bâtiment. Ils y ont suspendu des fanions de prières sur lesquelles sont inscrits des mantras, flottant au gré du vent. »