Bâmiyân.

La prise de Samarcande

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Antoine Stevenson
Antoine Stevenson

Tandis que les plans prenaient forme, une brise douce fit frémir les bannières à l'extérieur. Du haut des falaises de Bamiyan, mon regard se perdait dans l'horizon : « – C'est ici que commence la conquête du continent, » pensais-je. La légion Sogdienne s'avançait en Ouzbékistan avec une facilité déconcertante ; déjà, la cité de Kermez était tombée, pavant le chemin pour la conquête de tout le pays.

A travers les jumelles, nous apercevions dans le lointain, les premières bâtisses de la banlieue de Samarcande.

Les vastes plaines percevaient déjà notre avancée, implacable et inéluctable. Au fil des jours, de nouveaux territoires tombaient sous notre emprise. Encadrée par les chaînes du Tien-Shan et du Pamir, abreuvée par les eaux du Syr-Daria, la vallée de Ferghana se dévoilait tel un joyau précieux, étreint par l'écrin majestueux de sommets enneigés.

Alors que nous prenions pied dans la région, notre regard se portait vers l'est, où une unique voie faisait office de lien avec le monde extérieur. S’étendant sur trois pays, divisée entre Ouzbeks, Kirghizes et Tadjiks, cette vallée était déjà au cœur de tensions importantes, bien avant que nos troupes ne foulent son sol.

Au-delà des territoires que nous annexions, le nom des cavaliers sogdiens se propageait, résonnant dans chaque village et chaque cité que nous capturions. Il n’était plus question de guerre ou de soulèvement ; mon ambition était désormais de laisser une trace indélébile dans le grand livre de l'histoire. À l'approche de Samarcande, nous prenions conscience du tournant décisif dans notre conquête. La ville était le premier bastion à renverser pour asseoir notre domination sur l'Asie Centrale.

A travers les jumelles, nous apercevions dans le lointain, les premières bâtisses de la banlieue de Samarcande. D'ici quelques heures, les légionnaires pénétraient dans la ville, sans rencontrer de résistance. L'ennemi restait introuvable, seuls une immense steppe s'étendait devant nous, et à son extrémité, une longue série de pieux formait une barrière. Les forces ouzbèkes s'étaient dispersées à l'approche de notre légion, laissant les cavaliers en première ligne de l'assaut.

Namgar s’approcha de moi, portant comme à l’accoutumée, son précieux pendentif : le diamant d'Éther. De cette pierre précieuse émanaient de fines particules bleues, m’enveloppant dans une aura de conscience accrue. Un frisson me parcourut, suscitant en moi une perception jusqu'alors inconnue.

Mes sens atteignaient une précision inégalée, ma vision s'affûtait, révélant des détails subtils auparavant invisibles à mes yeux. Plongé dans cet état de conscience élargie, une lucidité profonde m'envahit, me donnant la capacité d'anticiper le futur avec une clarté et une assurance nouvelle.

Cette transformation survenait à un tournant décisif pour notre armée, au moment précis où les cavaliers sogdiens se préparaient à à fondre sur les portes de la cité. Alors que les tourbillons de sable voilaient la vision à travers mes jumelles, Ouldarai s'approcha pour m'interpeller. « – Lobsang, de nouvelles informations sur les positions ennemies nous sont parvenues. »

Je pivotai lentement vers lui, détachant mon regard de l'horizon désormais lointain, les jumelles oscillant doucement à mon cou. « – Quelles sont ces nouvelles ? » Interrogeai-je, avec une assurance tranquille. Ouldarai marqua une pause, puis déclara : « – Nos éclaireurs nous informent que l'ennemi a barré l'accès à la route menant à Samarcande. Ils ont érigé des tranchées et mis en place des fortifications. »

Un sourire confiant ourla mes lèvres. « – Qu'ils érigent leurs barricades comme bon leur semble, cela n'arrêtera pas la légion sogdienne. » Puis, d'un ton ferme, j'ajoutai : « – Poursuivez selon le plan établi. » Ouldarai hocha la tête, s’éloignant avec mes instructions, me laissant seul avec mes pensées. Alors que les vents de sable persistaient à tourbillonner autour de moi, dans mon esprit, le ciel était limpide, et la victoire semblait à portée de main.

Mes légionnaires s'alignaient en formation de combat, déployant une discipline exemplaire. Depuis ma position éloignée, je les contemplais, comme si je revivais une scène du passé, absorbé par les ultimes préparatifs. La prairie restait déserte, figée dans un silence de la tempête à venir. Nos chevaux, éprouvés par les rigueurs de la campagne d’Afghanistan, se mirent à charger. De l'autre côté de la tranchée, l'adversaire, silencieux et impuissant attendait son destin.

L'absence de résistance ennemie persistait. Était-ce la peur qui les paralysait, ou sous-estimaient-ils simplement la fureur de la force qui allait s’abattre impitoyablement sur eux ? Dans tous les cas, le champ de bataille était désormais le nôtre, et rien ne semblait en mesure de freiner l'avancée de nos troupes. Les cavaliers accéléraient le train, les jambes des bêtes tendues dans un effort surnaturel, défiant presque la gravité: les robes colorées des nomades ondulaient dans l’air, telles les drapeaux de guerre azur et or qu'ils arboraient fièrement.

Alors que nos cavaliers enjambaient aisément la tranchée, l'inutilité de cette défense face au déferlement de la légion sogdienne marquait le fossé entre les vainqueurs et les vaincus. En arrivant aux abords des faubourgs, le combat ne fut même pas nécessaire. Ouldarai se borna à envoyer un ultimatum, demandant aux forces ouzbèkes de se rendre pour éviter la destruction de leur ville. Frappées par l'angoisse à l'idée de voir les merveilles de Samarcande réduites en cendres sous les coups de la guerre, les autorités se rendirent sans condition, souhaitant épargner à leur cité un sort funeste.

Ainsi, Samarcande fut conquise sans dommages significatifs. Dans les ruelles de la ville désormais sous notre contrôle, un silence lourd s'abattait, troublé uniquement par le cliquetis des sabots de nos chevaux et les murmures inquiets des citadins. Profitant de la tranquillité de la ville conquise, nous méditions sur l'histoire riche et tumultueuse de Samarcande. Cette antique cité, jadis carrefour des sur la route de la Soie et capitale de Tamerlan, résonnait encore de son passé glorieux. Le mausolée de Gour Emir témoin de cette époque révolue, rappelait la grandeur passée. Au centre de la cité, le Registan, vaste place encadrée par trois madrasas aux façades bleutées, s'imposait comme un chef-d'œuvre de l'art architectural.