Bâmiyân.

Sous le Ciel de Samarcande

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Antoine Stevenson
Antoine Stevenson

Après la prise de Samarcande, la cité devint la plus grande ville de l’empire. Nous nous arrêtâmes quelques jours pour y affermir notre emprise. Nous installâmes nos quartiers dans l'enceinte du Registan, au cœur de Samarcande, et nous prîmes résidence dans l'aile Tilla Kavi, désormais le siège de nos ministres. Là, Ouldarai et les commandants convergeaient pour recevoir leurs ordres, faisant de ce lieu le centre névralgique de l’empire.

Au sein de la médersa Tilla Kavi, nous retrouvions enfin la paix et la quiétude. Sous les ors de son dôme majestueux, nous nous adonnions à la contemplation de ce joyau d'architecture. Les cours paisibles et ombragées, bordées de colonnades, les cellules d’études austères, et les salles de prières solennelles, tout appelait à la méditation et au recueillement.

Profitant de ces rares instants de calme, je me replongeais dans les récits du moine Xuanzang. Ses voyages au cœur de l’Asie au septième siècle continuaient de nous fasciner. Assis sous la voûte étoilée de la médersa, nous nous laissions envahir par la réflexion, imaginant Samarcande à son époque, un carrefour où la soie et les épices dictaient les échanges du monde.

Depuis notre fuite de Gilgit jusqu'à la prise du Régistan, nous réalisions le chemin parcouru. Les fresques délicates ornant les murs de ce palais me rappelait à chaque instant mon nouveau statut d’empereur, qui me conférait le privilège de gouverner en ces lieux.

Je devais recevoir Ouldarai et Choegya pour préparer la suite des opérations. Les deux généraux patientaient debout dans le grand salon. Une fois le seuil franchi, un vaste atrium, baigné de lumière naturelle se découvrit. Les rayons du soleil illuminaient les moindres détails des décors.

Les murs du salon étaient revêtus de majoliques et de faïences, ornés d'arabesques, de motifs floraux de style persan et d'inscriptions calligraphiées en nuances de bleu turquoise et d'or. Le dôme, orné de mosaïques dorées, évoquait une voûte céleste, reflétant les constellations visibles dans le ciel de Samarcande.

Au centre du salon, un large tapis en tissu fin était entouré de coussins brodés sur lesquels nous invitâmes Ouldarai et Choegya à s'asseoir. De chaque côté du salon, des alcôves dissimulaient des manuscrits et des objets d'art de l'époque Timuride. Nous saluâmes notre hôte d’un hochement de tête avant de prendre place à notre tour pour entamer la discussion.

« – Lobsang, ou devrais-je dire votre majesté, » tenta Ouldarai. Je ne relevai pas et je le laissai poursuivre. « – Nos soldats sont comme électrisés par la prise de Samarcande. À notre avis, les faire attendre trop longtemps serait une erreur ; il faut saisir cette occasion, » déclara Ouldarai avec conviction. « – N’est-il pas préférable de les laisser reprendre des forces ? » questionnai-je. Choegya intervint alors : « – En restant stationnés à Samarcande, nous leur donnons le temps de reconstituer des troupes pour contre-attaquer. Je pense, comme Ouldarai, qu’il nous faut poursuivre jusqu’à Tachkent pour faire tomber le gouvernement ouzbek. Une fois la capitale prise, le régime s'effondrera de lui-même. »

Bien que nous commencions à nous plaire dans le confort et le faste de Samarcande, nous ne voyions pas d'objection à poursuivre le combat. Cependant, il me semblait utile d'ajouter : « – Vous pouvez poursuivre jusqu’à Tachkent, mais pour ma part, je resterai à Samarcande d'où je dirigerai les opérations. Une fois le pays conquis, nous ferons de cette ville la capitale de la vice-royauté d'Ouzbékistan. »

Ouldarai prit la parole : « – C’est entendu, Votre Majesté. Une division de cavaliers sogdiens demeurera à Samarcande pour assurer votre sécurité et celle de vos hôtes. Nos troupes sont prêtes à prendre l'ennemi de court ; le général Choegya et moi envisageons de lancer l'assaut sur Tachkent dès l'aube. » « – Qu’il en soit ainsi, » conclus-je laconiquement. »