Bâmiyân.

L'Ombre sur Bamiyan

Cover Image for L'Ombre sur Bamiyan
Antoine Stevenson
Antoine Stevenson

Le troisième jour, nous quittâmes la ville à l’aube, avant que la chaleur ne devienne accablante. Notre groupe avançait en silence, les sabots de nos chevaux soulevant un nuage de poussière ocre. Le paysage était à la fois austère et magnifique, dominé par des montagnes déchiquetées et des vallées arides.

Nous fîmes halte sous un maigre bosquet de genévriers, profitant de l'ombre rare pour reprendre notre souffle

La route, bien que difficile, était jalonnée de moments de grâce : un troupeau de chèvres traversant notre chemin ou la vue fugitive d'un aigle planant haut dans le ciel.

À mi-journée, nous atteignîmes les contreforts des montagnes de l'Hindu Kush. La montée était raide et éprouvante, les sentiers escarpés mettant à l'épreuve la persévérance de nos chevaux. Nous fîmes halte sous un maigre bosquet de genévriers, profitant de l'ombre rare pour reprendre notre souffle et partager un repas frugal. Choegya, toujours attentif, nous encourageait à boire régulièrement pour éviter la déshydratation.

Nous reprîmes notre route dans l'après-midi, les ombres s'allongeant sur les parois rocheuses. Le paysage devenait de plus en plus sauvage et isolé, avec pour seule compagnie le vent sifflant entre les pics. Parfois, nous rencontrions des nomades, leurs yourtes disséminées dans les vallées reculées. Ils nous accueillaient avec une hospitalité simple, partageant leur thé et leur pain. Lorsque nous leur expliquions que nous nous dirigions vers Bamiyan, ils nous mettaient en garde, nous conseillant de rester vigilants, car quelque chose d'inquiétant s'était produit dans la capitale.

Le soir, nous dressions notre campement à l'abri des falaises, le crépitement du feu de camp nous apportant un peu de chaleur. Nos échanges avec les nomades avaient instillé un doute en nous. Les discussions s'éteignaient peu à peu, chacun trouvant refuge dans ses pensées, bercé par le murmure du vent sifflant dans l'immensité du ciel nocturne.

Un matin, alors que nous traversions un col escarpé, nous aperçûmes une caravane de marchands venant en sens inverse. Leurs chameaux, chargés de ballots de laine et de sacs de sel, avançaient péniblement sur le chemin rocailleux. Nous échangeâmes quelques mots, apprenant qu’ils avaient aperçu des habitants de la capitale fuyant la ville. Les jours se succédaient, ponctués de chevauchés épuisantes et de brefs moments de repos.

La monotonie du paysage désertique était parfois brisée par l'apparition d’un point d’eau, véritable havre de fraîcheur et de vie. Au crépuscule, alors que nous montions notre camp à proximité d’une route, Choegya s’approcha de moi, visiblement inquiet.

« – Bamiyan n’est plus très loin, mais je ne peux pas m’empêcher d’avoir un mauvais pressentiment, je crains le pire, Lobsang », me confia-t-il.

Le lendemain, nous décidâmes de partir avant l’aube. La nuit était encore dense, et le silence n’était rompu que par le bruit sourd des sabots de nos montures sur le sentier. Les premières lueurs du jour révélèrent peu à peu les contours de la vallée de Bamiyan. Au loin, nous apercevions déjà les immenses statues des Bouddhas, se dressant majestueuses et imposantes.