L'Arrivée au Potala



Nous poursuivîmes notre descente, durant laquelle nous eûmes quelques chaudes journées. En nous retournant, nous pouvions contempler les majestueuses montagnes que nous venions de traverser. Un jour, nous aperçûmes deux chèvres sauvages à longs poils, qui s'enfuirent à grands bonds.
Les moines nous escortèrent jusqu’à Lhassa, en route pour le palais du Potala. Ils progressaient lentement, selon un rituel précis.
Le pays était encore accidenté, mais il y avait des rivières et des ruisseaux, des oiseaux dans les arbres. Par une matinée ensoleillée, nous aperçûmes au loin, vers l'est, un troupeau de moutons conduit par des hommes et des chiens.
Bientôt, nous fûmes accueillis par un petit groupe d'hommes venant de l'ouest. Lorsque nous fûmes plus près, je vis qu'il s'agissait d'une demi-douzaine de moines tibétains. J'aurais voulu agiter les bras, les acclamer. Au lieu de cela, nous restâmes plantés sur place, à les regarder approcher. Ils étaient élégants, impeccables. Des larmes me montèrent aux yeux. Spendiar s'avança et tendit la main. « – Nous sommes très heureux de vous rencontrer », nous dirent les moines.
Les moines nous escortèrent jusqu’à Lhassa, en route pour le palais du Potala. Ils progressaient lentement, selon un rituel précis : trois pas et demi, ils levaient les mains au ciel, se courbaient, se prosternaient face au sol, se relevaient, puis recommençaient.
Enfin, le palais du Potala apparut devant nos yeux. Derrière ses murs blancs se dressait un édifice aux murs blancs et rouges, couvert de tuiles jaunes brillant au soleil. Il était entouré d'une riche verdure, parsemée des toits merveilleux des temples et des petits palais. Un long escalier aux marches escarpées reliait la demeure à la cité des moines, la cité sacrée, vénérée dans tout l'Orient. Au pied du Potala, notre chemin croisa celui des centaines de fidèles effectuant la circumambulation de la Kora en faisant tourner des moulins à prière en cuivre. Le palais-forteresse du Potala était le lieu le plus sacré du Tibet.
Avec ses murs massifs incurvés qui semblaient prolonger la colline de Marpo Ri, l’actuel palais du Potala était l’un des monuments les plus remarquables au monde. Il comprenait en fait deux palais : le Palais Rouge, où reposaient les sépultures des huit chefs spirituels du bouddhisme tibétain, et le Palais Blanc, où se trouvaient les quartiers résidentiels. L’ensemble comptait jusqu’à treize étages et plus de mille pièces, toutes somptueusement décorées. Les murs étaient peints de motifs combinant rouge carmin, bleu intense et jaune d’or, avec des fresques racontant des récits tirés des Écritures bouddhiques et des représentations de Bouddha.
Dans les différentes pièces, aux sols couverts de tapis, étaient également accrochés des thangkas, peintures sacrées sur rouleau de toile, et de riches brocarts. Chapelles, niches et vitrines étaient remplies de statues précieuses, et les nombreux autels étaient recouverts de soies colorées et ornés de joyaux.
Ici résidait une foule de faiseurs de miracles, de prophètes, de sorciers et de docteurs. Tous ces personnages d'origine divine étaient honorés comme des dieux vivants. Sur le haut plateau, à gauche, s’élevait un vieux monastère, dominé par une énorme tour rouge, appelée « la Cité des lamas du temple ». Au centre se dressait une gigantesque statue dorée de Bouddha assis sur la fleur de lotus, entourée de dizaines de temples, de sanctuaires, d’autels. Il y avait aussi un quartier de maisons basses où vivaient des moines de tout âge et de tout rang, des écoles, des bibliothèques, ainsi que les archives sacrées.
À notre arrivée au monastère, nous nous enfonçâmes dans un labyrinthe d'étroites allées, au cœur duquel se cachait le plus grand temple de Lhassa. Le bâtiment, construit dans le style tibétain, était surmonté d'un toit de style chinois, dont l'architecture prétentieuse contrastait avec la simplicité environnante. Une seule lanterne brillait à l'entrée. La lourde porte, garnie de bronze et d'acier, était fermée. Lorsque nous frappâmes à la porte avec le grand gong de cuivre, les moines, effrayés, se mirent à courir dans toutes les directions. En nous apercevant, ils se prosternèrent en signe de salut.
Je demandai à entrer dans le temple avec notre groupe. À l'intérieur, nous découvrîmes des oriflammes multicolores ornées de prières, de signes symboliques et d'images de saints, ainsi que les traditionnelles banderoles de soie suspendues au plafond. Des images de dieux et de déesses ornaient les murs. Sur l'autel, de petites lampes faisaient briller l'or et l'argent des vases et des candélabres. Au fond, un lourd rideau de soie jaune portait des inscriptions tibétaines.
Les lamas tirèrent le rideau, révélant dans la faible lumière vacillante la grande statue de Bouddha assis dans le lotus d'or. Le visage du dieu était calme, indifférent, animé d'une douce lueur. De part et d'autre, des milliers de petits bouddhas, apportés en offrande par les fidèles, semblaient monter la garde. Je jetai une poignée de pièces dans la grande coupe de bronze. Je remarquai un rosaire noir à son poignet gauche. Pendant ce temps, Namgar priait intensément, les yeux fermés.
Ensuite, les lamas nous conduisirent vers un autre temple, situé à l'autre bout du monastère. C'était un édifice plus petit, noirci par le temps, avec un toit en dôme. Les portes étaient ouvertes. De chaque côté de l'entrée se trouvaient des roues à prières, qu'on pouvait faire tourner ; au-dessus, une plaque de cuivre portait les signes du zodiaque. À l'intérieur, deux moines psalmodiaient les sutras en sanskrit, sans lever les yeux à notre arrivée.
Le jour commençait à poindre. Nous nous promenâmes ensuite dans le monastère, visitant les temples et les sanctuaires. À notre retour dans nos chambres, je me couchai, tentant en vain de trouver le sommeil. Après notre déjeuner, j'étais déterminé à me présenter au Dalaï-lama. Obtenir une audience auprès de lui était difficile. Nous nous arrêtâmes bientôt devant la porte du grand mur zébré de blanc et de rouge qui entourait le palais de sa sainteté.
Deux cents lamas, en robes jaunes et rouges, se précipitèrent pour me saluer d'un murmure respectueux : « – Lobsang ! Empereur éternel ! » En cortège solennel, ils nous conduisirent à une vaste salle aux lumières tamisées. De lourdes portes sculptées s'ouvraient sur l'intérieur du palais. À l'extrémité de la salle, sur une estrade, se trouvait le trône, recouvert de coussins de soie jaune. Le dossier du fauteuil était rouge, bordé de bois doré, flanqué de chaque côté par des écrans de soie jaune aux cadres d'ébène finement sculptés.
Contre les murs, des vitrines exposaient des objets de toutes sortes, provenant de Chine, du Japon, des Indes. Devant le trône, huit nobles tibétains étaient assis autour d'une longue table basse : le doyen, un vieil homme au regard perçant, rappelait les authentiques statues de bois des saints bouddhistes, avec leurs yeux de pierres précieuses.