Bâmiyân.

L'appel de la Crypte

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Antoine Stevenson
Antoine Stevenson

J’avais pris mes précautions en ne diffusant l’information qu’au travers le bouche à oreille, en ne ciblant que des personnes de confiance. A ma grande surprise, une foule nombreuse commença à affluer dans la crypte souterraine. J’observais calmement les corps en mouvement s’avancer sous les voûtes. La crypte avait des airs d’église oubliée avec ses arcs et ses colonnes qui se perdaient dans l’obscurité, une légère odeur de moisissure se dégageait renforcée par l’humidité.

Mes mots résonnaient avec une gravité qui semblait faire écho à mon propre trouble intérieur.

A mesure que les wakhis affluaient, des petits groupes se formaient, leurs discussions résonnaient sous les voûtes créant un brouhaha étouffant. Une certaine tension transparaissait dans la foule, beaucoup semblaient ignorer la raison de leur présence, d’autres se demandaient s' il ne s’agissait pas d’un guet-apens de la police chinoise.

Quand la foule devint si compacte qu’il commençait à devenir difficile de s’y frayer un chemin, je m’avançais vers l’estrade. L'appréhension m'étreignait de terreur, m'envahissant de frissons à mesure que je progressais, pourtant à mon passage, les jeunes gens s’écartaient respectueusement, leur visage soumis et tristes m’irritais légèrement.

Une fois sur l’estrade, la crypte se dévoilait sous la lumière tremblante des lanternes, plongeant la scène dans une aura irréelle. Mon cœur battait avec force, tandis que j'observais les visages attentifs. À l'autre extrémité de la crypte, Spendiar m'observait en silence, exacerbant mon anxiété à mesure que je m'apprêtais à prendre la parole devant la foule.

Les murmures et les chuchotements se faisaient de plus en plus pesant, alourdissant l'atmosphère de la crypte et faisant battre mon cœur à tout rompre. Après avoir toussoté pour rassembler mon courage, je rompis le silence sans ménagement. D'une voix tremblante mais ferme, je lançai à la foule : « – Réveillez-vous ! » Pour donner du poids à mes mots, je brandis l'ouvrage de Xuanzang que nous venions de découvrir. Juste à ce moment, un homme dans la foule me défia d'un ton accusateur :

« – C'est pour nous présenter votre nouveau roman que vous nous avez convié ici ? » Sa question résonna dans le silence, exacerbant encore mon anxiété alors que tous les regards se tournaient vers moi. La salve de rires moqueurs qui suivit ces mots me glaça le sang. J'attendis, les mains légèrement tremblantes, que le tumulte se taise avant de reprendre. « – Ce manuscrit, écrit de la propre main de Xuanzang, contient une révélation capitale, » dis-je, ma voix trahissant une nervosité croissante.

« – C’est pour partager ce message que je vous ai tous conviés aujourd’hui. » Le poids des regards fixés sur moi ne faisait de plus en plus lourd. Un jeune homme m'interrompit brusquement, sa voix chargée d'inquiétude : « – Lobsang, nous avons d'autres urgences. Moi, ce que je veux, c’est juste survivre. » Ses paroles résonnèrent dans le silence oppressant de la crypte et semèrent le doute parmi les présents. Je le fixai du regard, luttant pour garder ma voix stable. « Ce n'est pas le moment de renoncer, » insistai-je. « – Ce livre renferme un message d'espoir pour notre peuple. Abandonner maintenant, c’est se condamner à finir dans une tranchée, sans espoir de retour. » Chaque mot que je prononçais semblait peser lourd, augmentant la pression sur mes épaules alors que j'essayais de rallier la foule à ma cause.

Un troisième homme, dont le visage m'était vaguement familier des rues de Gulmit, se dressa soudainement pour parler : « – Que pouvons-nous faire Lobsang pour nous soustraire à cette vague de folie ? Seule la fuite est une option sérieuse. » Sa voix portait un mélange de désespoir et de résignation qui résonnait étrangement avec mes propres peurs. « – Je sais que nombreux sont ceux parmi vous qui envisagent déjà de fuir Gulmit pour le Badakchan, » dis-je, ma voix trahissant le poids de l'émotion. Un silence épais tomba sur la foule, comme un voile sombre. Prenant une profonde inspiration, je continuai : « – Mais je ne suis pas ici pour discuter de fuite. » Les murmures se turent instantanément, et tous les yeux se fixèrent sur moi.

« – Je propose une autre voie, celle empruntée par le moine Xuanzang. Je me porte volontaire pour vous guider à travers l'Afghanistan. » À ces mots, le silence se fit encore plus lourd, les regards qui m’étaient adressés étaient pesants. « – Plus précisément, c'est vers la vallée de Bamiyan que je vous propose de vous diriger. Selon les textes anciens, dans cette contrée, les veines de la terre ont le pouvoir d'amplifier la conscience. » Je tentai de me redresser, cherchant à camoufler mon trouble grandissant en balayant du regard la foule rassemblée devant moi. Chaque visage que mes yeux rencontraient était empreint de tension, exacerbant ma propre inquiétude face à l'immensité de l'entreprise que je proposais. « – Bamiyan est bien plus qu'un sanctuaire, c'est une porte d'entrée vers des états de conscience supérieurs, » ma voix s'élevant avec effort au-dessus du bourdonnement incessant de la foule. L'émotion serrait ma gorge tandis que je tentais de projeter confiance et assurance.

« – Je vous invite à vous joindre à ma quête, non seulement pour explorer cette source d'énergie, mais aussi pour participer à la légende et, peut-être, découvrir un nouveau chemin pour notre peuple. » En prononçant ces mots, le poids de chaque regard braqué sur moi renforçait ma nervosité, tandis que les visages qui me faisaient face, marqués par le doute et l'espoir, rendaient l'atmosphère encore plus électrique et chargée.

En scrutant l'assemblée du regard, j'ajoutais : « – Je ne peux promettre un chemin facile, ni la certitude de trouver ce que nous cherchons. Cependant, je vous promets une aventure qui pourrait non seulement transformer nos vies mais aussi, qui sait, l'histoire de notre peuple. La décision de m'accompagner doit être personnelle et mûrement réfléchie. » Mes mots résonnaient avec une gravité qui semblait faire écho à mon propre trouble intérieur.

En regardant la foule, je compris que mon message avait porté, sans surprise Spendiar fut le premier à répondre présent il déclara en brandissant son bras d’un geste vif que je pouvais compter sur lui. Pendant ce temps, un murmure assourdissant se répandait dans la crypte, amplifié par l'écho.