Bâmiyân.

L'Audience avec le Dalaï-lama

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Antoine Stevenson
Antoine Stevenson

La résidence du Dalaï-lama était entourée de lamas rouges et jaunes. Une longue corde rouge partait de la porte d'entrée, l'autre extrémité jetée par-dessus le mur de la propriété, pendant dans la rue à côté de la grille. Les pèlerins, en masse, rampaient à genoux pour toucher l'extrémité de la corde.

Sa Sainteté le Dalaï-lama, était un vieillard de forte carrure, dont le visage rasé rappelait celui des cardinaux

En la touchant, ils entraient en communication avec le Dieu vivant incarné. Une onde de bénédiction coulait par ce câble, fait de crin de cheval. Tout Tibétain touchant cette corde mystique recevait un ruban rouge, porté autour du cou en témoignage de son pèlerinage accompli.

Dans la salle où le Dalaï-lama avait établi son cabinet de travail, où deux lamas veillaient jour et nuit sur le coffre contenant les grands sceaux, régnait une austère simplicité. Sur une table basse en bois laqué, dépourvue d’ornements, se trouvait de quoi écrire, ainsi qu’un étui en soie jaune contenant les sceaux du Tibet.

À côté, un fauteuil bas et un poêle de bronze ; sur les murs, des inscriptions tibétaines et sanskrits, ainsi que des swastikas. Derrière le fauteuil, un petit autel avec une statue dorée de Bouddha, devant laquelle brûlaient deux lampes. Le plancher était recouvert d'un épais tapis jaune.

Lorsque Namgar et moi entrâmes, seuls deux lamas étaient présents, veillant en silence. Le Dalaï-lama se trouvait dans le petit sanctuaire adjacent, un lieu réservé uniquement à lui-même et au Panchen-Lama, qui veille sur le temple et l'accompagne dans ses prières solitaires.

L’un des lamas nous apprit que le Dalaï-lama avait manifesté une grande nervosité ce matin-là. À midi, il avait pénétré dans le sanctuaire. Pendant longtemps, sa voix avait retenti, psalmodiant de ferventes prières, puis une autre voix, inconnue, s'était jointe à la sienne : une conversation entre le Bouddha sur terre et le Bouddha dans le ciel, déclarèrent les lamas.

« – Attendons un peu. Il sortira peut-être bientôt », suggérai-je. Tandis que nous attendions, j’engageai la conversation avec Namgar au sujet du Panchen-Lama. Tous les lamas s’accordaient à dire que c'était un homme calme, ordinaire, mais que, lorsqu'il était plongé dans de profondes réflexions, une aura lumineuse apparaissait autour de sa tête.

Après une demi-heure, les lamas commencèrent à montrer des signes d'inquiétude, tendant l'oreille vers le sanctuaire. Bientôt, ils se prosternèrent, face contre terre. La porte s'ouvrit lentement, et il entra. Sa Sainteté le Dalaï-lama, était un vieillard de forte carrure, dont le visage rasé rappelait celui des cardinaux. Il portait la tunique tibétaine en soie jaune, ceinturée de noir. Ses yeux grands ouverts reflétaient la crainte et l'étonnement.

Il s'affaissa dans le fauteuil en murmurant : « – Écrivez ! » Un lama prit immédiatement papier et plume, tandis que le Dalaï-lama dictait, dans une grande confusion, la vision qu'il venait d'avoir. Il termina ainsi : « – Voilà ce que moi, Dalaï-lama, j'ai vu, parlant au grand et sage Bouddha, entouré des bons et des mauvais esprits : namo bhagavate shakyamuneyah tathagatay arhate samyaksambuddhay tadyatha om nama saddharm pundarik sutren maha yan maha sattva yathamati sarva buddh sattva jan labdh prapte ratn chakren om manujum svahaa. »

Cette tirade signifiait : Obéissance à Dieu, la Personne Suprême, au sage Shakya, au digne Tathagata, à l'être parfaitement illuminé, tel qu'il est. En terminant, il s'épongea le front, perlé de sueur, et demanda qui était présent. « -Lobsang avec un étranger, » répondit un des lamas à genoux.

Je présentai Namgar au Dalaï-lama, qui inclina la tête en signe de salut. Ils commencèrent à discuter à voix basse. Par la porte ouverte, j'aperçus une partie du sanctuaire. Une grande table était recouverte de livres, certains ouverts, d'autres épars sur le sol, un poêle avec des charbons rouges, et un panier contenant des omoplates et des entrailles de mouton.

Bientôt, Namgar se leva et s'inclina devant le Dalaï-lama. Le Tibétain posa ses mains sur la tête de Namgar et murmura une prière. Ils échangèrent ensuite leurs pendentifs. Namgar détacha son collier contenant une fiole d’éther, tandis que le Dalaï-lama lui offrit une lourde icône, qu'il suspendit au cou de Namgar. « – Le joyau d’éther demeurera au Potala. Ainsi, nous garantirons que son pouvoir ne soit pas utilisé à des fins malveillantes. » Je compris que le Dalaï-lama donnait à Namgar sa bénédiction. Le lendemain et les jours suivants, nous eûmes l'occasion de rendre de nouveau visite à sa sainteté à trois reprises, toujours accompagnés de Namgar.