Bâmiyân.

Le Corridor du Wakhan

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Antoine Stevenson
Antoine Stevenson

Nous nous élançâmes à travers le corridor du Wakhan, une étroite bande de vallée alpine glaciale, encadrée par des montagnes s'élevant à plus de sept mille mètres. À mesure que nous avancions dans le corridor, nous voyions la vallée se déployer, longeant les rives de l'Amou-Daria jusqu'à Sarhad-e-Brogil où la rivière prenait sa source, au pied des montagnes du Pamir.

Ce paysage rude et envoûtant à la fois apaisait nos pensées et nous faisait oublier notre condition d’exilés.

Le plus souvent j’ouvrais la marche avec Choegya tandis que Spendiar suivait quelques mètres plus loin. Nous étions épuisés, le sol instable et les pentes abruptes ralentissaient notre progression tandis que le vent de l’hindu Kush balayait nos visages. À mesure que nous poursuivions notre marche exténuante, la silhouette d’un village perché sur le flanc d’une montagne commença à émerger à l’horizon. À ma connaissance, les seuls habitants de la région étaient des Wakhis, qui survivaient grâce à l’élevage de yaks, de chèvres et de moutons.

Les hameaux que nous aperçevions au loin s’éparpillaient le long des flots de la rivière Wakhan. En regardant vers le sud, les chaînes de montagnes du Pamir dominaient le paysage en un enchevêtrement de vallées glaciaires, de steppes et de plateaux balayés par les vents. Tandis que notre regard embrassait ces sommets lointains, nos pas nous menaient à travers des sentiers bordés de contrées odorantes et de dunes parsemées de graminées, traversant prairies rases et plaines de cailloux. Ce paysage rude et envoûtant à la fois apaisait nos pensées et nous faisait oublier notre condition d’exilés.

Lorsque nous atteignîmes la jonction du grand et du petit Pamir au niveau de Bazai i Gonzad nous aperçûmes un campement. Les yourtes étaient dressées à distance les unes des autres près d’un petit torrent dans un repli du terrain. Alors que nous nous rapprochions, la disposition des tentes permit à Choegya de comprendre immédiatement qu'il s'agissait d'un campement Wakhis. Autour de nous, le paysage était aride, avec une végétation rase laissant la poussière envahir nos yeux et nos narines, tandis que le vent glacial mordait nos joues desséchées.

Alors que nous pénétrions dans le campement, deux miliciens wakhis nous abordèrent. «Que faites-vous ici ? » Interrogea le premier, aux yeux étroits, examinant nos visages avec attention. Je leur expliquai que nous cherchions à parler au chef du campement. Suite à ma réponse, les deux miliciens échangèrent un regard puis acquiescèrent d'un hochement de tête. Le deuxième milicien, visiblement peu loquace, finit par lâcher un laconique : « – Suivez-nous. »